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JEÛNE, témoignage [2]

Alors que mon film LA MARCHE SANS FAIM connaît un démarrage très positif, pour mon plus grand bonheur et celui de mon partenaire de choc, protagoniste et ami Florian, je publie par épisode le récit de ma première expérience du jeûne. Il y aura eu un avant et un après jeûne dans ma vie comme il y aura eu un avant et un après LA MARCHE SANS FAIM

Damien Artero

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Jour 3 : plat de résistance

Sang et cendres !
Ça y est.
J’ai craqué.
J’entends bien que le projet de la semaine n’était que repos, digestif et global, mais que voulez-vous, j’ai cédé à une pulsion.
Je suis allé…
courir.

C’est que, voyez-vous, je ne suis guère doué pour le recueillement placide et alangui et quant à la méditation ou l’auto-centrage j’ai pris le pli d’y parvenir par l’exercice physique – le trail de façon privilégiée. Je reconnais très volontiers à la randonnée le mérite d’accorder cet ensemble qu’est le besoin d’activité stimulante et le ralentissement généralisé, qu’on ne s’y méprenne, et la noblesse de l’activité ne m’échappe en rien, de l’éloge de la lenteur à la dimension mystique sans omettre la découverte par le menu d’un territoire. Mais j’y récolte, moi, assez facilement, un ennui qui me décourage, et l’ennui, je l’ai compris hier, c’est sans doute mon premier ennemi, l’écueil à éviter, dans cette démarche de sobriété alimentaire et corporelle. Il me fallait un petit peu d’action. De sensations, ludiques et techniques.

Je le vivrai à nouveau quelques mois plus tard, dans un mode plus ardu certes, lors du tournage de LA MARCHE SANS FAIM : mangeant 500 grammes par jour dans le cadre d’une progression très exigeante physiquement dans le grand nord canadien, j’allais mêler symptômes de jeûne et effort corporel.

En Bref
La Marche Sans Faim est le pari incroyable mais très réfléchi de Florian Gomet, auteur, grand voyageur, hygiéniste et sportif accompli. Florian part marcher en autonomie 360 kilomètres à travers les Mt Mackenzie, au Canada, sur la Canol Trail, un des treks les plus reculés au monde, et ce sans manger. Il veut montrer les aptitudes naturelles inouïes du corps humain et tourner l’aventure, et l’exploration, vers l’infini de l’intérieur. Adepte du minimalisme, Florian part sans réel équipement de montagne et marche en sandales, voire pieds nus : ce n’est pas de l’inconscience mais l’aspiration d’aller à l’essentiel. Il prend le pari que ses besoins vitaux peuvent être satisfaits, pour la plupart, sans artifice ni outil, par la force de l’esprit, son harmonie avec le corps et la rigueur dans la préparation ce dernier.

https://tinyurl.com/lmsf-lefilm

Car enfin, au carrefour de cette lucidité mentale et de cette créativité accrue, d’une part, par le jeûne et toute l’énergie qu’il libère, et d’autre part, du rythme métabolique amoindri qu’il induit, j’ai trouvé la frustration. Je ne suis pas frustré de ne pas manger – encore que, certaines envies soudaines m’étreignent, comme lorsque je lis, à la lumière de ma lampe de chevet, au milieu de la nuit que la cogitation interrompe, dans le roman éblouissant de Didier Decoin, “Le bureau des jardins et des étangs”, la description confondante d’un kaki mûri à point et de son éclatement chatoyant et juteux dans la bouche d’une courtisane – en revanche, je suis frustré que mon corps peine un peu à exécuter toutes les actions et mettre en œuvre toutes les idées qui me viennent par légions.

La frustration, dans la famille, on a du mal…

Le voilà donc, l’enjeu du jeûne !
Concilier cet apparent imbroglio métaphysique, ce paradoxe de l’esprit et du corps lorsque l’un s’allège et l’autre s’active, ce grand écart et ce déchirement entre l’âme et la matière.
Bon.
Nous verrons bien de quoi demain sera fait.
Espérons-le, pas d’un atermoiement répété sur le sujet au cours d’une morne randonnée – par morne, j’entends l’œil que j’y poserai et non la promenade elle-même, car il faut bien l’admettre, les sentiers de ces Baronnies sont autant de délicieux parcours variés, odorants et réjouissant à l’œil oui, mais voilà ! j’aimerais beaucoup mieux y courir ou y pédaler dans la pleine jouissance de ma machine corporelle qu’y ahaner en soliloquant intérieurement.
J’exagère un peu.
Mais pas tant.

Et donc, j’ai couru. Précautionneusement, de façon pondérée mais joyeuse, j’ai couru. Dans une écoute plus attentive encore, s’il en est, de mon corps que je n’en ai l’habitude.

Et mon corps m’a dit “je vais bien”.

Par vœu d’être raisonnable, je n’ai pas dépassé l’heure de petit trot et si je n’ai pu m’abstenir de grimper sur une colline, j’ai choisi un accès régulier et doux par une petite route de campagne. Le goudron fumait dans la lumière torve du matin voilé et les champs alentour embaumaient l’humus. Je distinguai comme des relents de tourbes, des pointes de pins, une odeur d’averse aussi, et les volutes acerbes du crottin. L’odorat est décidément plus aigu pendant le jeûne.
Et je pensai à manger.
Pas à me nourrir moi-même, entendons-nous bien, mais plutôt, à la valeur qu’on lui octroie, à cet acte banalisé et pourtant fondamental : manger.

De fait, les panoramas de collines drapés d’un voile hivernal, mais où parmi les buis et les pins, des couleurs, souvent, annoncent déjà le printemps, ne m’ont pas détourné du sujet phare de la semaine, dont l’absence rend encore plus tangible l’inexpugnable centralité, le sujet qu’on évite tant qu’il en devient par instants obsédant : la nourriture.
Je me suis alors fait la réflexion suivante, que dans ma mansuétude je vais de ce pas partager avec toi, ami lecteur.

C’est pour moi une agréable pseudo-révélation que de sentir dans ma chair ce que mon intellect a toujours intimé – c’est un discours que je répète assez souvent à mes filles, mais jusque là il n’était que concept, là je le vis jusqu’au plus profond de mes entrailles : la nourriture m’émeut et me meut. Sans ce carburant précieux, je vis certes, et bien, je l’ai décrit dans ces lignes, loin des affres ou des agonies qu’on aurait pu me prédire, l’énergie est là et l’action n’est pas interdite. Mais autrement. Dans un autre registre, à un autre rythme, avec une autre portée. Une dimension différente. La vie trépidante, le déplacement effectif, la jouissance du corps en pleine charge dont je parle souvent, force est de le constater ne me sont accessibles à ce jour que via une saine alimentation. Et d’y penser, là, au détour d’un chemin pierreux, le regard s’égarant sur un mas aux tuiles dépareillées, puis glissant comme les vautours depuis les falaises lointaines jusqu’au clocher de l’église qu’asperge une flaque de soleil magnifique et incongrue, avec dans le ventre ce vide qui me confine à la douceur, c’est redonner son sacré à la nourriture.

ça, c’est pour vous donner envie, après un jeûne, de venir à nos ateliers de CRUsine

J’ai envie de dire merci, merci à cette Nature généreuse qui permet la pousse des plants, merci aux femmes et aux hommes qui savent la cultiver dans les règles de l’art, pour en produire les fruits les plus beaux, et en achalander les étals des marchés où je me rends, gourmand et enthousiaste, sur mon petit – ou mon grand – vélo, pour composer des plats qui sont, je le vois désormais dans toute sa splendeur, autant de fééries gustatives et fonctionnelles pour faire tourner l’engin animal que je suis.
Et quand bien même ai-je conscience que toute cette réflexion m’a rendu un rien euphorique, je la dirai donc, ma gratitude.
Merci, oui, merci !

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De sport il est question également, pendant cette semaine de privation mais non d’abstinence… sous les draps. Car oui, je vais oser aborder le sujet de la sexualité. Parmi nombre de préconçus sans doute assez candides, je me figurais parfois le jeûneur comme, disons le mot, un pèlerin catatonique sur le chemin de croix de la santé retrouvée. En toute logique, présumais-je alors, parmi les élans naturels qui désertent l’enveloppe charnelle, la libido doit figurer en tête de liste. La question n’était pas qu’une abstraction destinée à nourrir (sic !) mon questionnement sur le vaste sujet du jeûne, puisque le lecteur l’aura compris, je rejoignais pour ce séjour ma compagne, elle-même entamant sa seconde semaine sans alimentation alors que nous nous retrouvions sur les routes drômoises.

Très concrètement, je me demandais si, les tripes évidées et l’énergie vitale au plus bas, j’allais frétiller ou non une fois nu dans ses bras. Eh bien sans m’appesantir sur le sujet, disons que si j’avais tablé sur passer une semaine flasque, c’est tout le contraire qui jusqu’ici se produit. Et cela, figure-toi cher lecteur, est bel et bon, car les journées du jeûneur ménagent de longues plages de sieste, que chacun est libre de colorer comme il lui sied : nécessaire repos, procrastination doucereuse et cogitation, ou bien, ma foi, retrouvailles sensuelles et sexuelles, rendues plus décisives encore, plus intenses si possible, par l’état physique, de claire euphorie par moments, dans lequel nous sommes plongés.

Décidément, ce jeûne me surprend.
Jeûne… et randonner.
A quand un “jeûne et faire l’amour” ?

MES STATS PENDANT LA SEMAINE
(poids de forme : 63 kilos depuis mes 20 ans)
poids : 63 / 60 / 59,9 / 59,9 / 60,1
tension : 12,6 / 12,1 / 10,6 / 11,5 / 10,9 / 11,7
heures marchées-courues: 3-0 / 2h30-0 / 0-1 / 3-1 / 3-1 / 2-0

[épisode 1 /// épisode 3]

Initialement publié le / Originally posted on 4 mars 2019 @ 9:23 am

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