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[Tiny House] Chapitre quatrième : l’hiver…

Le mois de mai encore jeune se couche dans la tiédeur. C’est un soir, un samedi, ou peut-être est-ce un autre jour. Après les abondantes pluies de l’hiver, dès les premières chaleurs les prés se sont remplis d’un foisonnement végétal tonitruant. Comme une chevelure folle et bariolée. Les derniers rais de soleil en éclaboussent les pointes, et le murmure incessant qui en monte est comme une berceuse à nos oreilles. La vie dans toute son abondance est de retour sur ma colline. Un air doux et frémissant se faufile parmi mes orteils alors que je savoure une salade du jardin. Car parmi la jungle odorante qui ceint la maison, j’ai pris soin de prélever plantain, pissenlit, menthe… qui sont allés rejoindre dans mon bol des gaines germées, un jus de citron et une belle vinaigrette au miel. Hypnotisé comme souvent par les hautes dentelures de la Chartreuse, je récapitule en mastiquant : nous avons passé notre premier hiver dans la Tiny.

 

Un challenge complexe

Ce n’est qu’euphémisme de dire que cet emménagement tenait de la gageure. Représentons-nous le défi… Au cœur de l’hiver alpin, perché sur notre petite colline, nous apprenions mes filles et moi à vivre dans 16 m 2 alors que la neige envahissait les pentes et les sommets Voilà que les fêtes de fin d’année saluent l’arrivée parmi nous de mon amoureuse Sarah. C’est qu’elle emménage ! Pour mon plus grand bonheur. Mais ni elle ni moi ne sommes dupes : nous prenons un pari audacieux. Elle doit embrasser cette nouvelle vie aux facettes multiples : s’adapter à la montagne, à l’hiver continental, à une vie miniature, le tout catapultée qu’elle est dans ma vie de famille, elle qui n’est pas la maman de mes filles, et par dessus le marché elle démarre sa nouvelle carrière. Pour la forme, nous avons cherché à imaginer plus délicat. A part une maladie chronique, nous n’avons guère trouvé… Qu’importe, Sarah est une belle âme au grand cœur et elle est douée d’une intelligence très fine. J’y crois. Il va falloir s’atteler à la tâche subtile de développer notre couple tout en créant un foyer familial recomposé et en gérant les singuliers paramètres de notre domicile lilliputien. L’adversité me galvanise et comme nous nous aimons tous, tous les 4, très fort – “jusqu’à l’infini et au-delà”, diraient mes filles – et qu’on communique fort bien ma foi, rien n’est impossible.

 

L’espace

Faire les maths de la situation n’est pas sorcier. Nous sommes 4. Il y a au sol 16 m 2 décomposés en un “grand” espace à vivre (salon, bureau, cuisine) et un petit espace (toilette et douche). Les vêtements de toute la tribu tiennent dans un placard de 2 mètres de large, 1 mètre de profondeur et 2 mètre de hauteur. Conséquence du tout-en-un miniature, il faut jongler et composer, à la japonaise : l’espace est unique mais devient pluriel. On déplie la table pour le petit-déjeuner, on la replie derrière ; alors on peut dérouler le tapis pour faire de la gym ou un jeu de cartes ; ensuite, tapis rangé, on a la place de préparer les cartables ou un repas ; les chaises, pliables également, font de nombreux allers-retours entre la table à manger et leur petit coin sous l’échelle de corde qui monte chez les enfants ; la plaque de cuisson est escamotable sous le plan de travail ; pour compléter les possibilités de s’asseoir, on a une petite collection de poufs et gros coussins qui s’empilent facilement ou se planquent sous un bureau ; le radiateur d’appoint électrique est sur roulettes, comme le garde-manger, les caisses avec les affaires, le linge sale.

Bref, on l’aura compris, c’est un jeu de TETRIS permanent.

Et ça marche.

Il ne s’agit que d’une nouvelle façon d’envisager l’intérieur. J’y étais mentalement préparé, ma compagne aussi, les enfants le font naturellement. Cqfd.

 

L’humidité

L’automne prend sa retraite et voilà qu’un matin, après l’une des premières nuits que nous passons tous ensemble sous notre petit toit, je constate avec stupeur qu’il pleut dans la maison. Les lucarnes de toit sont trempées et pleurent au goutte-à-goutte sur le plancher, les fenêtres s’épanchent et il n’est pas un tuyau du réseau d’eau qui ne soit constellé.

J’accuse le coup.

Je réfléchis.

Je prends conseil.

Je me documente.

Bilan de l’affaire :

  • la Tiny est équipée d’une ventilation simple non forcée et d’un chauffage au gaz mobile ; la première extrait trop peu d’air humide et le second en fabrique… on m’a mal conseillé
  • nous sommes 4 à respirer et générer de la vapeur d’eau dans un volume dérisoire ; les préconisations du fabricant sont obsolètes, lui qui vit seul avec un radiateur électrique, j’aurais du m’en douter !

Moralité :

  1. je change illico-presto le chauffage mobile pour un vrai poêle à gaz dont la combustion ne se fait pas au contact de l’air intérieur, ainsi plus de rejet d’eau
  2. avec l’aide un copain électricien, j’installe deux ventilations mécaniques forcées et hygro-variable pour renouveler l’air intérieur*
  3. j’isole tous mes tuyaux avec une gaine appropriée
  4. par acquis de conscience, je planque sur une étagère un petit absorbeur d’humidité, on ne sait jamais

Et tout rentre dans l’ordre. Sans faire de miracles, il reste par moments, à la saison froide, des concours de circonstances qui facilitent l’humidité, mais rien de préoccupant.

* Je précise que les ventilations Blyss installées sont défaillantes : le site de Castorama, qui les vend, regorge de plaintes émises par les clients, car les ventilations cessent d’être sensibles à l’humidité après quelques jours et tournent soit en permanence, soit pas du tout ; mais bon comme j’ai pris la peine de poser un interrupteur, on s’en sort… En revanche, le chauffage Auer est très satisfaisant, contrairement au précédent brûleur Carbest vendu et conseillé de façon fantaisiste par H2R Equipements.

Le froid

Comme dans tout habitat rustique, le quotidien réserve des moments de transition qui peuvent être inconfortables. J’ai séjourné dans des cabanes finlandaises ou suédoises en plein hiver et j’ai voyagé dans des contrées à la météo parfois calamiteuse en dormant sous la tente. L’inconfort bourru de la chose ne m’est pas étranger. Je ne le recherche pas mais sais m’en accommoder. Ce qui m’interroge, c’est à quel point nous tenons pour acquis, désormais, un degré de commodité qui n’a rien de naturel ni de légitime, particulièrement au vu des ressources qu’il consomme. Dans la Tiny, nous avons opté sans trop nous concerter pour ne pas chauffer la nuit : les espaces couchages sont forts exigus et bien isolés, comme le reste (avec l’appui supplémentaire de lourds rideaux thermiques) et nous n’avons pas ressenti le besoin avéré de plus qu’une bonne grosse couette. En conséquence, évidemment, les réveils sont frileux. Il faut s’extirper de la couche dans une ambiance qui peine à atteindre les 8-9°. Stimulant ! On s’habille en conséquence, on démarre le poêle à gaz et on s’active. Une petite heure plus tard il fait 14 ou 15°, moins de deux heures plus tard 19°. Tout va bien.

Le froid instille son dard finalement surtout dans l’inactivité : oui, il m’est arrivé une poignée de fois de pester, assis à mon ordinateur et attelé à un film, car mon corps ne se réchauffait guère malgré que le poêle ronronne. Soit j’ai chauffé plus, soit je me suis couvert plus. Pas de conséquences à déplorer. Et de conclure que j’aime la précision à laquelle m’encourage la Tiny : chauffer où et quand cela est pertinent ; optimiser ; grappiller les ressources additionnelles où elles sont – solaire passif, photovoltaïque – et consommer sobrement.

L’inactivité ou disons l’immobilité, c’est aussi ce qui peut causer le gel de la canalisation d’eau. Nous sommes raccordés à la maison des amis qui accueillent la Tiny : eau, électricité (pour compléter le photovoltaïque) et internet. Par -9° il va sans dire qu’un tuyau d’arrosage, ça gèle. J’ai donc anticipé : dans la gaine technique qui amène de chez eux à chez nous le précieux liquide, nous avons fait courir un câble chauffant à thermostat. En clair, s’il gèle, il chauffe doucement et maintient l’arrivée d’eau à 0°. Résultat, pas de coupure ni de dégâts.

 

Les  bonheurs

  • Me coucher fourbu après une bonne journée dense et active et échanger d’une mezzanine à l’autre des regards énamourés avec mes filles qui sont aux portes du sommeil.
  • Admirer la tiny s’emplir de lumière comme une outre mordorée quand le soleil se précipite par les vastes carreaux.
  • Entendre mes filles jouer dans leur espace, rirent aux éclats, lire des livres… à chaque instant de la vie quotidienne, pendant que je cuisine, travaille, fais le ménage : comme une connexion, et une attention, permanente – nous sommes la famille 2.0 !
  • Contempler chaque jour par les fenêtres panoramiques un panorama de nature véritable tout en se sentant léger et libre – de rester, de partir, sans une montagne de choses à gérer…
  • Toucher le bois, partout, sous nos pieds, au bout de nos doigts.

 

 

Un mode de vie global

Je ferai ici un aparté pour expliquer/rappeler que vivre en Tiny n’est pas pour moi une lubie. C’est un élément logique de mon paradigme global. Si je devais le définir ou le décrire, ce paradigme, je dirais sans doute :

  • une vie simple et sobre et gourmande (si c’est possible), avec une préférence pour “moins et beau” plutôt que pour “plus et moche” 😉
  • un quotidien actif qui passe principalement par se déplacer à vélo en toutes conditions (en témoignent par exemple mes articles et vidéos sur notre usage récent du vélo cargo électrique)
  • une alimentation cohérente, végétalisée et très majoritairement crue
  • la pratique quotidienne du jeûne intermittent (pour le “vrai” jeûne je suis moins doué que certains)
  • du sport (trail, vélo, stretching, yoga, grimpe, trampoline…), du bien-être, de la joie 🙂

Je ne prétends pas être un exemple à suivre, j’exprime juste là le fait que notre vie en Tiny me semble s’emboîter de façon tout à fait pertinente dans ce puzzle que j’appelle ma vie.

 

Le maître-mot de mon bilan…

Le voici : bien-être.

Oui, nous avons eu, très ponctuellement, froid (et alors ? cela m’est arrivé dans mes anciens logements également, je n’en tirerai pas de conclusion particulière et je peux très bien chauffer plus la prochaine fois – peut-être 😉 ). Oui, c’est un ballet quotidien que d’occuper harmonieusement cet espace réduit, il faut développer des réflexes d’ordre encore plus aboutis. Oui, l’hiver est une âpre saison qui exacerbe les contraintes de la vie en Tiny – gestion de l’eau, aération, humidité.

Mais franchement… Franchement ! Le résultat dépasse mes espérances. Nous avons tissés, ensemble, mes filles, mon amoureuse et moi, des liens encore plus ténus, plus authentiques, plus forts et profond. Le degré d’intimité que nous partageons est plus accru encore, ce que j’aurais eu peine à imaginer dans un autre contexte.

Cette proximité volontaire n’est pas une promiscuité subie. Elle alimente notre complicité, et c’est au cœur d’un premier hiver que nous pouvions nous sentir ainsi unis par le vecteur animal, le vecteur tribal. Nous sommes une famille. La Tiny est son écrin.

 

 

Et pour fini, je tire mon chapeau à mes trois gonzesses de choc.

 

[chapitre troisième : ‘la routine]

[toutes les photos sont ]

A suivre… n’hésitez pas à me solliciter pour compléter ce tour d’horizon de notre Tiny.

 

 

Initialement publié le / Originally posted on 6 mai 2018 @ 11:04 am

12 commentaires sur “[Tiny House] Chapitre quatrième : l’hiver…”

  1. Bonjour .
    Merci pour ce magnifique partage.
    Une qualité de vie simple et riche à la fois où les valeurs essentielles au bonheur y sont réunies.
    Namaste ?

  2. très beau témoignage et merci de donner aussi les inconvénients ce qui nous permet de prévenir sur la notre 🙂

    1. Ah-ah,oui tout l’intérêt de témoigner est d’être vrai et complet, je veux pas vendre du rêve de façon illusoire 🙂 J’adore notre vie en Tiny, je me suis rarement senti aussi bien dans un logement (en fait, je me suis senti VRAIMENT bien dans l’appartement que je partageais avec la maman de mes filles en habitat groupé et dans la Tiny) mais comme pour tout il y a aussi des investissements ou un prix à payer parfois. Et je suis bien content de l’équilibre que nous avons trouvé !

  3. Après une dure journée de labeur sous un soleil de plomb, entre entraînement sportif de haut vol / jardinage / commercialisation de mes petites plantes… Je suis heureuse ce soir d’enfin me détendre dans le canapé de ma tiny et de lire ton article.. Je l’ai vu sortir il y a peu de jours, mais c’est ce soir que je lis. C’est très touchant. Très attachant. Très bien écrit.. J’ai adoré. Certaines de vos histoires m’ont fait re vivre les miennes.. Je vous en remercie. La vie est Tiny c’est tellement…. Merci 😀

  4. Merci pour ce partage très complet, honnête, et surtout beau et inspirant !
    Petite question barbante (mais importante !) sur les coûts financiers : une fois tous les investissements de départ réalisés, est-on vraiment en autonomie financière dans le quotidien, côté énergie / fonctionnement ?

    1. Alex,
      je ne sais pas comment tu définis exactement “autonomie financière” ; je ne vais pas te vendre du rêve. Je consomme l’eau du robinet captée chez mes amis/voisins, je n’ai pas encore installé le matériel de récupération d’eau de pluie (l’hiver m’a rattrapé trop vite à mon arrivée) mais je doute d’être autonome avec 1000 L de réserve et un si petit toit. Côté électricité, les panneaux/batteries fournissent environ une petite moitié de notre consommation à l’année – j’estime sur les mois passés dans la Tiny : à la belle saison nous tournons presque tout le temps sur le solaire, l’hiver et par mauvais temps c’est l’inverse. On se chauffe au gaz avec un éventuel appoint électrique quand il gèle vraiment dur. Ceci étant, je peux te dire que sur les mois vécus ici depuis mon arrivée en août, nos consommations *moyennes & mensuelles* sont les suivantes : 3 € d’eau, 7€50 d’électricité, 25€ de gaz (ce qui inclut 2 bouteilles pleines d’avance que j’ai pas touchée encore) soit un total de environ 35€ / mois de charges pour 4 et étalé essentiellement sur l’hiver. Et puisque j’en suis à la transparence financière : la Tiny m’a coûté environ 40 000 € ; j’ai fait bcp d’économie d’un côté car on m’a offert de la main d’œuvre et j’ai monté des deals avec des fournisseurs de matériaux, et d’un autre pour certains postes de dépenses je n’hésite pas à acheter de la très bonne qualité.

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